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Fracture
Un ange passe
Se déposer
Blessure
Contemplation
La danse est possible
Qui regarde qui ?
Phénix
La percée
L’inconnu est un rendez-vous
Un jour, je suis partie en voyage au Mexique et comme c’est arrivé plusieurs fois, je suis tombée malade, mais cette fois-ci, complètement aphone. J’ai eu une révélation. Je me sentais tellement prise en dedans avec une énergie que j’avais de la difficulté à contenir…je me suis mise à danser…et je savais que si je ne chantais pas, je danserais, si je ne dansais pas j’écrirais, et si je n’écrivais pas, je peindrais…Car l’important pour moi c’est de pouvoir m’exprimer.
Difficile de ne pas faire de lien avec la chanteuse que je suis, la pédagogue que je suis devenue, car il y a eu et a toujours dans ma façon de faire les choses et comme premier moteur conscient, la rencontre avec soi. J’ai toujours cherché cette connexion à soi, cette disponibilité à ce qui est et la présence de laisser monter ce qui vient. En écriture de chanson comme dans l’acte de peindre, j’aime fréquenter cette zone des possibles, accepter l’inconnu et tolérer cet espace qui nous conduit immanquablement vers soi. J’ai compris dans le geste de peindre que je recherchais la même liberté qu'avec ma voix, la même acceptation des résultats en tentant de m’éloigner du jugement qui nous remet si vite dans les cases connues. Accepter les hasards, les surprises et la rencontre avec la matière même si souvent on se bat avec cette matière qui veut se dire.
J’ai commencé à peindre alors que j’étais sur la fin de deux ans d’écriture de mon spectacle « Et Butterfly ». J’étais dans une période de doute et de stress et c’est là que j’ai commencé un cours de peinture. Dans ma famille de 6 personnes, il y avait les grandes voix, j’en faisais partie. Pour ce qui était du dessin, j’étais considérée comme nulle et je l’ai cru si bien que je commençais le cours avec ma curiosité et l’espoir de retrouver la création sans le besoin de résultat contrairement au spectacle qui m’attendait et qui déciderait de ma capacité à gagner ma vie.
J’ai approché la peinture en toute innocence et sans attente de performance. Je retouchais dans la création, cette liberté et c’était mon chemin de traverse, un chemin nouveau d’écriture personnelle. Au début j’ai peint avec l’acrylique sur toile. Puis j’ai rencontré l’encre et le papier, un coup de foudre. J’aimais la fluidité de l’encre, les surprises, car l’encre est vivante, c’est comme s’elle avait son propre chemin, sa propre destination. Le dialogue entre nous se faisait. En chant, je dis souvent que je joue avec l’air…j’aime jouer avec le papier, l’encre et la rencontre de nous trois.
Puis j’ai découvert que j’aimais la matière, j’ai donc retrouvé l’acrylique pour inviter les hasards que la matière provoque avec l’encre. J’ai souvent besoin d’une géométrie et de structure ce qui m’a surprise au départ. C’est en travaillant que j’ai découvert comment je travaillais. Je sais que je donne un grand coup sans réfléchir, découvre ce qui se passe puis le recul nécessaire et comme disait Francine Labelle professeure de peinture: « c’est définitif pour le moment. »
Il y a eu trois personnes importantes dans mon rapport à la peinture. Francine Labelle avec qui j’ai exploré différentes techniques et qui m’a appris à voir. Avec Dominique Sarrazin, on étudiait la composition d’un tableau, son travail est vibrant et inspirant pour moi. J’aime Carole Bernier, la rigueur de son accompagnement et son courage de toujours fouiller et oser aller au coeur d’elle-même.
J’ai bâti mes ateliers d’interprétation avec le titre: «Chanter, une rencontre avec soi.» J’ai souvent rencontré dans mon métier de chanteuse des carrefours que je peux résumer comme suit : « Saute dans le vide et les ailes vont te pousser… » L’art nous amène hors du contrôle. Il nous oblige à la rencontre, à la relation, nous conduit dans cet espace de disponibilité, une zone plus large que le mental. J’ai connu cette zone comme autrice-compositrice-interprète et j’ai l’ai retrouvé dans la peinture où on agit, et non exécuter. J’aime les surprises et ça fait vraiment partie de mon processus de création. Agir c’est sauter dans le vide et accepter de tolérer ce vide et oser la rencontre, car l’inconnu est un rendez-vous.
Je vous souhaite un bon voyage.